EUROPE OCCIDENTALE - Communauté économique européenne

EUROPE OCCIDENTALE - Communauté économique européenne
EUROPE OCCIDENTALE - Communauté économique européenne

La Communauté économique européenne (C.E.E.), rebaptisée Communauté européenne en 1992, regroupe, depuis le 1er janvier 1958, les mêmes pays (Allemagne fédérale, Belgique, France, Italie, Luxembourg et Pays-Bas) que la Communauté européenne du charbon et de l’acier (C.E.C.A.) et que la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom). Elle s’est élargie à la Grande-Bretagne, au Danemark et à l’Irlande depuis le 1er janvier 1973, puis à la Grèce, le 1er janvier 1981, et à l’Espagne et au Portugal, le 1er janvier 1986. La C.E.E. devait prendre, à partir de 1959, un essor remarquable et mobiliser l’intérêt de l’opinion publique et des agents économiques dans les six pays, devenus douze, tout en devenant un facteur important des relations économiques internationales. Elle a profondément transformé les structures économiques des États membres et facilité les adaptations aux nouvelles conditions de la division mondiale du travail et des échanges.

Le premier objectif de la Communauté – la réalisation d’un marché commun – est, dès la fin de 1968, largement atteint. Les droits de douane et les restrictions quantitatives ont été entièrement abolis pour tous les produits industriels et pour la quasi-totalité des produits agricoles, tandis que la libre circulation des travailleurs est effective. Quant à l’autre objectif de la C.E.E., la réalisation d’une union économique, des résultats importants ont été obtenus, mais la progression a été retardée par les effets de la crise économique mondiale qui a frappé de plein fouet les économies européennes à partir de 1973. Les Douze ont décidé d’approfondir l’union douanière et d’achever la réalisation d’un marché intérieur unifié de 315 millions de consommateurs d’ici à 1992. Ils ont consacré cet engagement en signant, le 17 février 1986, un acte unique qui complète le traité de Rome instituant la C.E.E.

La Communauté économique européenne était également pour ses promoteurs une étape vers une «union sans cesse plus étroite entre les peuples européens», ce qui signifiait l’approfondissement de l’union économique en union politique. La réalisation de l’union européenne, qui englobe la Communauté économique européenne et la coopération en matière de politique, de diplomatie et de sécurité, a fait un pas important. Cette union qui veut adjoindre à une politique économique commune une diplomatie, une police et une citoyenneté communes a fait un pas important avec la signature du traité de Maastricht le 7 février 1992, mais les dispositions essentielles de cette révision du traité de Rome concernent avant tout l’union économique et monétaire.

1. Le traité et les institutions

La négociation du traité

Réunis à Messine les 1er et 2 juin 1955, moins d’un an après l’échec de la Communauté européenne de défense, les six ministres des Affaires étrangères décidaient de «poursuivre l’établissement d’une Europe unie», et chargeaient un comité intergouvernemental, sous la présidence de Paul-Henri Spaak, ministre des Affaires étrangères de Belgique, de préparer un rapport d’ensemble sur la constitution d’un marché commun général, ainsi que sur celle d’une organisation commune de l’énergie atomique.

Saisis, le 21 avril 1956, du rapport du comité, les ministres décidaient, le 30 mai, à Venise, d’ouvrir des négociations sur cette base. La Conférence intergouvernementale pour le Marché commun et l’Euratom, le 25 mars 1957, aboutit à la signature à Rome du traité instituant la C.E.E. et du traité de l’Euratom. Approuvés la même année à de larges majorités par les Parlements des six pays, les traités entraient en vigueur le 1er janvier 1958. Ils étaient conclus pour une période indéterminée. L’adhésion ultérieure de la Grande-Bretagne, du Danemark, de l’Irlande, de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne devait se faire sur la base d’une reprise intégrale par les nouveaux États membres des traités constitutifs, ainsi que des politiques communes et du droit dérivé. Des périodes de transition ont été prévues pour résoudre les problèmes d’adaptation.

Les tâches de la Communauté

Il s’agit, pour la Communauté, d’établir un marché commun fondé sur une union douanière (le traité fixe à cet égard des règles précises et un calendrier détaillé) et de rapprocher progressivement les politiques économiques des États membres. Il ne s’agit pas seulement de les coordonner, mais d’établir des politiques communes dans les domaines où l’intervention de la puissance publique est déjà déterminante (agriculture, transports, commerce extérieur).

La Communauté doit ainsi réaliser sa double mission de développement économique et de progrès social. Comme la C.E.C.A., la C.E.E. est fondée sur la conviction du caractère bénéfique d’un vaste espace économique, facteur d’autorité dans les discussions avec les tiers, et sur la volonté que ce progrès économique ne se fasse pas au détriment des travailleurs. Les politiques d’«accompagnement» ont été progressivement mises en place pour permettre aux secteurs industriels en difficulté et aux régions défavorisées de bénéficier d’aides financières et de tirer un profit maximal de leur insertion dans le vaste espace économique en expansion.

Le système institutionnel

Les principes qu’avait posés la déclaration Monnet-Schuman du 9 mai 1950, «coup d’envoi» de la C.E.C.A., mais aussi véritable charte de la construction européenne, régissent également la C.E.E. En particulier, il est fait recours à un système institutionnel prévoyant des institutions dotées d’une personnalité propre et de pouvoirs réels, ainsi qu’un contrôle parlementaire et juridictionnel.

Sont ainsi institués une assemblée (Parlement européen), un conseil (de ministres), une commission, une cour de justice et une cour des comptes. Le Parlement européen et la Cour de justice ont été, dès 1958, communs aux trois Communautés (C.E.C.A., C.E.E. et Euratom). Depuis l’entrée en vigueur du traité dit de fusion des institutions (1er juill. 1967), un seul conseil et une seule commission assurent l’ensemble des attributions antérieurement conférées aux institutions correspondantes de la C.E.E., de l’Euratom et de la C.E.C.A. Le Conseil et la Commission peuvent, dans les conditions et selon les règles fixées par le traité, arrêter notamment des règlements « obligatoires dans tous leurs éléments, et directement applicables dans tous les pays membres». Le traité fixe des objectifs généraux, assortis d’échéances, en chargeant les institutions d’arrêter ultérieurement, suivant des procédures déterminées, les règles de fond (notamment le contenu des politiques communes) et de les adapter à l’évolution des situations.

Le Conseil

Le Conseil est formé de représentants des États membres qui changent suivant les matières traitées: ministres des Affaires étrangères pour les problèmes politiques de portée générale, des Finances ou de l’Économie, de l’Agriculture, des Transports... La Commission participe à toutes ses délibérations. Les travaux du Conseil sont généralement préparés par le Comité des représentants permanents (les ambassadeurs – ou leurs adjoints – et les représentants de la Commission). Les délibérations du Conseil peuvent être prises soit à l’unanimité, soit, dans la plupart des cas, depuis le passage à la «troisième étape» de la période de transition (1er janv. 1966), à la majorité qualifiée, les voix étant affectées d’une pondération. Le Conseil européen, qui réunit deux ou trois fois par an les chefs d’État et de gouvernement, a été mis en place en 1974 et est la plus haute instance politique de la Communauté.

Le Conseil des ministres des Affaires étrangères peut également se réunir dans le cadre de la coopération politique européenne et traiter des questions diplomatiques ainsi que des aspects économiques et politiques de la sécurité. La pratique suivie au sein des organes du Conseil depuis la crise institutionnelle de décembre 1965 a multiplié les exceptions à la règle de vote majoritaire prévue par le traité. Certains États persévèrent dans leur interprétation selon laquelle, lorsqu’un État invoque un intérêt national vital, la présidence du Conseil en exercice (qui dispose d’un mandat de six mois) renonce à recourir au vote avant d’avoir pu obtenir un accord unanime entre tous les membres. Cette altération du processus décisionnel n’a pas de fondement juridique et est contestée par d’autres États, qui lui reprochent, en avalisant l’usage du veto, de gêner le fonctionnement de la Communauté.

Le Parlement européen

Le Parlement européen est composé de cinq cent dix-huit membres (quatre-vingt-un français, quatre-vingt-un allemands, quatre-vingt-un britanniques, quatre-vingt-un italiens, soixante espagnols, vingt-cinq néerlandais, vingt-quatre belges, vingt-quatre portugais, vingt-quatre grecs, seize danois, quinze irlandais et six luxembourgeois) élus pour cinq ans au suffrage universel direct. L’élection directe, prévue dans le traité, n’a été effective qu’à partir de 1979, et a conforté la légitimité démocratique de l’assemblée qui, depuis cette date, cherche à élargir la sphère de ses compétences. Le Parlement européen se réunit en session plénière à Strasbourg (une semaine par mois, sauf en août), et les commissions parlementaires se tiennent en général à Bruxelles.

Le Parlement contrôle l’action de la Commission. Par un vote de censure, il peut provoquer sa démission immédiate. S’il n’y a jamais eu recours jusqu’à présent, il fait, par contre, un large usage de toutes les autres procédures parlementaires (réunions des commissions parlementaires, débats publics, questions écrites et questions orales, etc.), ce qui lui permet d’influer effectivement sur l’action de la Commission, qui doit garder sa confiance. Ce contrôle suivi est aussi le garant de l’indépendance de la Commission.

Le Parlement participe à l’élaboration des décisions du Conseil par les avis qu’il est appelé à donner sur les principales propositions de la Commission. Le Parlement dispose de pouvoirs budgétaires importants, qu’il partage avec le Conseil en tant que co-autorité budgétaire. Il peut augmenter certaines dépenses, et rejeter l’ensemble du budget à la majorité qualifiée.

La Commission

La Commission de la C.E.E. est composée de dix-sept membres (deux pour chacun des cinq «grands» pays, un pour les autres) nommés d’un commun accord par les États membres pour quatre ans (cinq ans à partir de 1994). Les membres de la Commission exercent leurs fonctions en toute indépendance, dans le seul intérêt général de la Communauté, et sont responsables exclusivement devant le Parlement européen. Un président et plusieurs vice-présidents sont désignés tous les deux ans parmi les membres de la Commission, toujours du commun accord des gouvernements.

Le fonctionnement de la Commission est collégial. Le siège de la Commission de la C.E.E. est Bruxelles. Depuis juillet 1967, les services regroupés de la Commission unique sont répartis entre Bruxelles et Luxembourg.

La Commission est la gardienne du traité. Elle peut, de sa propre initiative où à la suite d’une plainte d’un gouvernement ou d’un simple particulier, engager une procédure d’infraction et citer le contrevenant devant la Cour de justice.

La Commission est aussi l’agent d’exécution de la Communauté. Elle a une responsabilité quasi exclusive pour l’adoption des mesures dérogatoires au traité, notamment pour l’application de clauses de sauvegarde en cas de difficultés graves d’ordre économique ou social et pour l’adoption de mesures de caractère individuel à l’égard d’un État membre ou d’une entreprise (autorisation d’une aide ou d’une entente, par exemple). La Commission doit en outre gérer les politiques communes (agricole, régionale, sociale, etc.) et répondre des fonds qui y sont affectés.

La Cour de justice

La Cour de justice est constituée de treize juges désignés d’un commun accord par les États membres pour six ans, et elle est établie à Luxembourg.

Elle statue souverainement sur les recours en annulation d’actes des institutions dont elle peut être saisie par les gouvernements, les institutions (Conseil et Commission) et, dans une assez large mesure, par des particuliers. Elle se prononce également sur les cas d’infractions au traité qui lui sont soumis. Elle peut, enfin, être saisie à titre préjudiciel par un tribunal national pour donner l’interprétation d’une disposition du traité ou d’un acte pris par les institutions. Cette dernière possibilité, de plus en plus largement utilisée, lui permet d’assurer une unité de jurisprudence dans l’application du droit communautaire par les tribunaux nationaux.

La Cour des comptes

Créée par le traité du 22 juillet 1975, elle est composée de douze membres désignés d’un commun accord pour six ans par les États membres. Elle vérifie la légalité et la régularité des recettes et des dépenses de la Communauté, ainsi que la bonne gestion financière. Son action d’ensemble se matérialise par l’établissement d’un rapport annuel réalisé après la clôture de chaque exercice.

2. Les étapes de la Communauté économique européenne

Le développement dynamique (1958-1962)

Les premières années de la C.E.E. sont caractérisées par un grand élan. Les institutions sont mises en place en 1958. La première Commission est présidée par Walter Hallstein (Allemagne), qui gardera ses fonctions jusqu’à la fusion des institutions de 1967.

La situation économique et financière de la France suscite, pendant toute l’année 1958, des inquiétudes: lui sera-t-il possible d’abaisser ses droits de douane et d’élargir ses contingents le 1er janvier 1959? Les mesures d’assainissement qu’elle prend en décembre 1958 écartent cet obstacle. L’échéance est respectée et la Commission peut, dès l’année suivante, envisager une accélération du processus de mise en application du traité (décidée par le Conseil le 12 mai 1960). La Communauté mène également une politique extérieure active. Après l’échec des négociations sur la proposition britannique de zone de libre-échange (15 déc. 1958), elle favorise le lancement d’une première série de négociations tarifaires au G.A.T.T. (Dillon Round) et y participe activement. Elle conclut un accord d’association avec la Grèce, négocie une nouvelle convention d’association avec les États africains et malgache, devenus indépendants.

La crise institutionnelle et politique (1963-1965)

La première grande crise de la Communauté s’ouvre lorsque, après une déclaration du général de Gaulle (14 janv. 1963), les négociations avec la Grande-Bretagne sont, le 29 janvier 1963, ajournées sine die. Les cinq partenaires de la France, qui ne partagent pas la conception du général de Gaulle d’une «Europe des États» moins intégrée que l’Europe communautaire, tentent de lier la mise en place des politiques communes à laquelle la France est intéressée, comme la politique agricole commune, au développement interne de la Communauté et de ses prérogatives, notamment dans le domaine des relations extérieures.

Au cours du deuxième trimestre de 1965, se précisent les signes avant-coureurs d’une grande crise. La Commission dépose, le 31 mars, des propositions sur le régime définitif du financement de la politique agricole commune, auxquelles sont jointes des propositions sur les ressources propres de la Communauté et l’accroissement des pouvoirs budgétaires du Parlement européen. L’accord ne peut se faire dans le Conseil. Dans la nuit du 30 juin au 1er juillet 1965, Maurice Couve de Murville, ministre français des Affaires étrangères, qui préside à ce moment-là le Conseil, clôt la réunion en déclarant constater que l’engagement, pris antérieurement d’adopter le nouveau règlement financier de la politique agricole commune avant le 1er juillet n’a pas été tenu. Le gouvernement français rappelle son représentant permanent et cesse de participer aux travaux du Conseil et à la plupart des autres activités communautaires.

Des «accords» de Luxembourg à la conférence de La Haye (juill. 1965-déc. 1969)

Les aspects agricoles et financiers de la crise semblent relativement simples à régler. Par contre, le gouvernement français soulève des problèmes institutionnels: il essaie de faire admettre que la règle majoritaire au Conseil (dont l’application devient générale à partir du 1er janv. 1966) ne doit pas jouer contre un «intérêt très important» d’un État membre et que soient limitées les possibilités pour la Commission de prendre seule des initiatives d’ordre politique. Ce n’est qu’en janvier 1966 que le Conseil se réunit enfin au complet à Luxembourg, pour aboutir aux «accords» de Luxembourg (29 janv. 1966).

Il s’agit plutôt d’un constat de désaccord, notamment sur la règle de majorité au Conseil, chacun – la France et ses partenaires – restant sur ses positions. Toutefois, les Six déclarent que ces divergences ne doivent pas faire obstacle à la poursuite de l’activité communautaire. En fait, ils s’abstiendront, les uns et les autres, pendant les années suivantes, de soulever des problèmes institutionnels sérieux.

La mise en place du Marché commun, qui se poursuit en dépit des différences doctrinales qui opposent le général de Gaulle à ses partenaires sur la conception même de l’unification européenne, incite la GrandeBretagne, le 10 mai 1967, à présenter une nouvelle fois sa candidature à l’adhésion. Le 19 décembre, le gouvernement français s’oppose à l’ouverture de négociations avec la Grande-Bretagne et les autres candidats, contrairement à ses cinq partenaires et à la Commission. Le Conseil ne peut donc pas prendre de décision.

Les années 1968 et 1969 ont été profondément marquées par cet événement. Toutefois, les principales échéances prévues ont été respectées, notamment celle de l’union douanière (1er juill. 1968), et les mécanismes communautaires ont correctement fonctionné à la suite des graves événements de mai-juin 1968 en France (octroi de clauses de sauvegarde) et des changements monétaires de 1969 (franc français et mark). À l’initiative du nouveau président de la République française, Georges Pompidou, une conférence des chefs d’État et de gouvernement des Six s’est réunie à La Haye (avec la participation du président de la Commision) les 1er et 2 décembre 1969. Elle a abouti à un accord sur l’«achèvement» du Marché commun le 7 février 1970 (adoption du règlement définitif pour le financement de la politique agricole commune), le principe de son élargissement et la poursuite de son développement. Malgré l’ampleur des difficultés qui demeurent, des perspectives nouvelles semblent ainsi ouvertes à la Communauté.

Le premier élargissement de la C.E.E. et les plans d’union monétaire (1969-1973)

Les négociations sur l’adhésion du Royaume-Uni, de l’Irlande, du Danemark et de la Norvège à la Communauté sont ouvertes le 30 juin 1970. Ce sont des négociations difficiles, parce qu’elles portent pratiquement sur tous les secteurs de la vie économique et sociale. Les négociateurs de la C.E.E. s’efforcent de limiter les demandes de dérogations à l’application des règles communes présentées par les Britanniques. Les traités d’adhésion sont signés le 22 janvier 1972, et ratifiés par les Parlements des anciens et des nouveaux membres. En Norvège, cependant, où le peuple est appelé à se prononcer par référendum, les traités d’adhésion sont rejetés à une faible majorité (53 p. 100). La nouvelle Communauté à neuf prendra naissance le 1er janvier 1973.

Le sommet de La Haye a donné l’impulsion pour la création d’une union économique et monétaire. Il s’est en effet avéré que la poursuite de l’intégration européenne présuppose des politiques économiques communes ou, au moins, coordonnées. Un comité d’experts financiers et monétaires, présidé par Pierre Werner, Premier ministre luxembourgeois, présente en octobre 1970 aux gouvernements un plan destiné à réaliser parallèlement l’unification progressive des politiques économiques et la création d’une organisation monétaire, devant aboutir en 1980 à la mise en place d’une union économique et monétaire caractérisée par une monnaie commune.

Les mesures à prendre pour arriver à cet objectif ambitieux concernent les politiques économique, monétaire, budgétaire, la circulation des capitaux ainsi que la politique fiscale et celle des revenus.

Mais le démarrage de l’union économique et monétaire est immédiatement perturbé par la crise monétaire de 1971. En août 1971, le gouvernement des États-Unis suspend la convertibilité du dollar en or, ce qui remet en cause l’ensemble du système monétaire de Bretton Woods et l’équilibre des parités de la plupart des monnaies occidentales. Les parités monétaires des États membres, au lieu de se rapprocher, fluctuent au gré des événements. En avril 1972, les Six décident de ramener à environ 2,25 p. 100 au maximum l’écart admissible entre les taux de change de leurs monnaies.

Mais cette décision, qui crée un lien important entre les monnaies des États membres et, donc, entre leurs politiques économiques et monétaires, ne peut masquer la nécessité, devenue évidente, de reprendre le chemin vers l’union économique et monétaire du point de départ. La première étape de l’union économique et monétaire, fixée au 1er janvier 1971, a bien échoué à cause de la crise du dollar, mais les véritables raisons sont plus profondes. Elles résident dans les strtuctures et les politiques différentes des États membres et dans leurs résistances plus ou moins grandes aux pressions extérieures. Les chefs d’État ou de gouvernement, réunis au sommet de Paris le 20 octobre 1972, définissent des champs d’action nouveaux pour la Communauté: les politiques régionales, de l’environnement et de l’énergie, politiques non prévues par les traités. Ils maintiennent la date de 1980 pour l’aboutissement de l’union économique et monétaire.

La C.E.E. face à la crise économique mondiale (1974-1980)

En octobre 1973, la guerre du Kippour entre Israël et l’Égypte amène les pays arabes à décréter un embargo sur les exportations de pétrole vers les Pays-Bas et à réduire sensiblement les livraisons vers d’autres pays industriels mais, surtout, les pays exportateurs de pétrole regroupés dans l’O.P.E.P. quadruplent les prix du pétrole brut. La Communauté, qui importe 63 p. 100 de ses besoins en énergie, pour la plus grande partie sous forme de pétrole, du Moyen-Orient, est durement touchée. Le quadruplement du prix du pétrole a des effets économiques directs: augmentation des prix de revient des produits manufacturés et déséquilibre des balances de paiements.

La crise de l’énergie de 1973 ne conduit pas, malgré les efforts déployés par la Commission européenne, à la définition d’une politique énergétique commune.

Le second choc pétrolier de 1979 frappe également les économies européennes. La Communauté parvient, durant cette période caractérisée par la montée du chômage et de l’inflation et la multiplication des opérations de restructuration industrielle, à résister aux tentations du protectionnisme. Mais la marge de manœuvre des gouvernants est réduite, alors que les économies des pays membres réagissent différemment aux effets de la crise, rendant plus difficiles les efforts de convergence. Les réunions du Conseil européen d’avril à Copenhague, de juillet à Brême et de décembre 1978 à Bruxelles sont axées sur les problèmes que pose à la Communauté la persistance d’une situation économique défavorable, et sur la création d’un système monétaire européen. Celui-ci est mis en place en mars 1979.

Le S.M.E. est axé sur quatre éléments principaux: une unité monétaire européenne, dénommée écu, un mécanisme de change et d’intervention, des mécanismes de crédits et de transferts. L’écu, nouvelle unité monétaire européenne, est l’élément central du système. La Grande-Bretagne ne participe pas entièrement au départ du S.M.E., ni d’ailleurs la Grèce quand elle adhère au début de 1981 à la Communauté.

Le fonctionnement du système monétaire européen devait être accompagné d’une plus grande convergence des politiques économiques. Des mesures sont prévues pour renforcer le potentiel économique des pays les moins prospères de la Communauté.

Depuis sa création, le système a prouvé son utilité et sa capacité de résistance. En dépit des perturbations économiques et monétaires graves qui ont entraîné un relèvement généralisé des taux d’intérêt, une augmentation sensible mais encore assez différente selon les États membres des taux d’inflation, les monnaies participant au S.M.E. ont fait preuve d’un degré de cohésion que l’on n’avait pas connu depuis 1972. Les divergences d’évolution économique par pays n’ont cependant pas été réduites. De ce fait, et conformément à l’esprit du système, des réalignements monétaires ont eu lieu, opérant des changements de parités en raison de dévaluations et de réévaluations de certaines monnaies. Sur les marchés privés, l’écu a connu un grand succès.

L’élargissement au sud et la relance de l’union européenne (1980-1992)

L’élargissement confirmera en revanche la base politique de la construction européenne et paraît susceptible de renforcer la position de cette dernière dans le monde. La Grèce et la Communauté européenne signent à Athènes le traité d’adhésion de la Grèce, qui deviendra ainsi, à partir du 1er janvier 1981, le dixième État membre de la Communauté. L’Espagne et le Portugal, après de longues et difficiles négociations, deviennent membres à part entière le 1er janvier 1986.

Conscient que le passage de neuf à douze membres risque de dénaturer la Communauté si celle-ci, parallèlement à son extension, ne procède pas à une réforme de ses mécanismes de décision et ne renforce pas ses instruments de solidarité, le Parlement européen, élu au suffrage universel direct en juin 1979, veut donner une nouvelle impulsion au projet d’union européenne. Le 14 février 1984, il adopte un projet de traité qui est transmis aux Parlements et aux gouvernements des États membres. Le Conseil européen de Fontainebleau, le 26 juin 1984, décide de mettre en place un comité ad hoc qui conclut à la nécessité d’ouvrir une conférence intergouvernementale chargée d’apporter des modifications aux traités existants.

Les travaux de la Conférence intergouvernementale, qui se déroulent à Luxembourg durant le second semestre de 1985, aboutissent à la rédaction de l’Acte unique. Ce document complétait le traité de Rome en élargissant la sphère de compétence des institutions communautaires à la politique étrangère, à l’environnement et à la recherche technologique et fixait à 1992 l’achèvement intégral du marché intérieur. Après que le Danemark eut consenti par référendum à son approbation, l’Acte unique était signé le 17 février 1986. Dès 1988, les efforts pour approfondir l’intégration européenne reprenaient et aboutissaient à la signature à Maastricht du traité sur l’Union européenne le 7 février 1992. Celui-ci prévoit une union économique et monétaire, des droits civiques européens, un accroissement des compétences communautaires et le renforcement des politiques étrangères et de sécurité communes. La ratification du traité devait rencontrer de vives résistances au Royaume-Uni et au Danemark et s’accompagner de très nombreuses réserves.

3. Les fondements du Marché commun

La libre circulation des marchandises

Le 1er juillet 1968, le processus de réduction tarifaire à l’intérieur de la Communauté, engagé le 1er janvier 1959, est arrivé à son terme, avec dix-huit mois d’avance sur le calendrier fixé par le traité, tant pour les produits industriels que pour la quasi-totalité des produits agricoles. Les contingentements à l’importation pour les produits industriels avaient été supprimés dès 1961. Ce résultat a fortement contribué au développement des échanges intracommunautaires qui, tout en restant équilibrés, se sont accrus de 318 p. 100 de 1958 à 1968.

Le 1er juillet 1968 également, le tarif extérieur commun de la Communauté a été mis en place. Le commerce extracommunautaire n’a pa été freiné par la mise en place du Marché commun: il a même plus que doublé de 1958 à 1968.

Mais l’élimination des droits de douane n’est pas suffisante pour assurer la liberté de circulation des marchandises à l’intérieur de la Communauté. La diversité des réglementations imposées par les États, visant à protéger la santé et la sécurité des consommateurs, les normes techniques obligatoires, les procédures douanières peuvent contribuer à freiner les échanges. La réalisation d’un marché intérieur unique suppose une harmonisation complète des réglementations et des normes, ainsi que le rapprochement des fiscalités indirectes. Sur la base des propositions de la Commission, présidée par Jacques Delors à partir de janvier 1985, le Conseil européen s’était fixé pour objectif de faire disparaître l’ensemble de ces obstacles pour le 1er janvier 1993. Cet objectif fut pleinement atteint. Le maintien de ces entraves nationales à la libre circulation des personnes et des biens dans la C.E.E., qualifié de «coût de la non-Europe», avait été estimé à 55 milliards d’écus par an dans une résolution parlementaire de 1986.

La libre circulation des personnes

Depuis le 1er janvier 1970, les ressortissants de la Communauté européenne bénéficient de l’interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les conditions de travail. Les travailleurs salariés d’un pays de la C.E.E. peuvent rechercher un emploi dans toute la Communauté et bénéficient des mêmes droits que les nationaux en matière de protection sociale. Les travailleurs indépendants (professions libérales, commerçants et artisans) peuvent également exercer leur activité à titre occasionnel ou définitif dans le pays de leur choix. Toutefois, lorsque l’accès à une profession est subordonné à la délivrance d’un certificat d’aptitude ou d’un diplôme, il faut entrer dans une catégorie qui a fait l’objet d’une directive établissant l’équivalence. Les médecins, les dentistes, les vétérinaires, les sages-femmes peuvent s’établir librement dans le pays de leur choix. Les avocats peuvent plaider depuis mars 1979, conjointement avec un avocat du pays d’accueil, mais la liberté d’établissement n’est pas encore reconnue. Les obstacles à la liberté de circulation des voyageurs à l’intérieur de la C.E.E. ont quasi disparus. Les contrôles d’identité ont été considérablement allégés, mais les contrôles sur les marchandises transportées subsistent.

La politique de concurrence

Le traité fait de la concurrence le facteur directionnel du Marché commun et organise, sous la responsabilité de la Commission, un régime destiné à garantir que la concurrence n’est pas faussée.

En ce qui concerne les ententes entre entreprises, la Commission, à la suite de la réglementation arrêtée par le Conseil au début de 1962, a défini, par des décisions types et des exemptions selon les catégories, celles qu’elle estime répondre aux critères posés par le traité. Elle a tenu compte de l’évolution du marché et de la nécessité d’assurer à la Communauté une compétitivité mondiale. La Commission a fait connaître, par exemple, que la coopération entre moyennes et petites entreprises devait être accueillie favorablement, notamment dans les secteurs de la recherche et de la distribution. Elle a également favorisé la coopération en matière de recherche entre grandes entreprises. Par contre, les ententes illicites et les abus de position dominante sont contraires aux articles 85 et 86 du traité de Rome.

Les aides régionales et les aides à l’environnement font l’objet d’un encadrement européen qui a pour but de favoriser en priorité les intérêts des régions les plus défavorisées. La crise industrielle a rendu plus délicat le contrôle des aides sectorielles: un code des aides pour la sidérurgie a été mis en place de 1981 à 1985. Une directive de 1981 prévoit, dans le secteur de la construction navale, un encadrement des aides et la limitation des capacités de production.

L’harmonisation fiscale

La disparité des taux et des modes de recouvrement des impôts indirects constitue encore un obstacle à la réalisation d’un marché unifié de biens et de services. Les résultats d’un effort vers l’harmonisation ont été les plus satisfaisants dans le secteur de la taxe à la valeur ajoutée (T.V.A.), qui s’est substituée dans certains pays au système de taxes en cascade sur le chiffre d’affaires, et qui a été étendue à toute la C.E.E. Une directive de mai 1977 fixa l’assiette uniforme de la T.V.A. et l’acte unique de février 1986 donna au Conseil, statuant à l’unanimité, les moyens d’en harmoniser les taux.

4. La politique économique et monétaire

Le rapprochement des politiques économiques

L’interpénétration croissante des économies, conséquence de l’élimination des obstacles aux échanges, rend indispensable la coordination étroite des politiques économiques nationales. À l’initiative de la Commission, le Conseil et les États membres ont accepté de ne pas se borner aux seules confrontations des politiques conjoncturelles et d’élaborer ensemble des programmes communautaires de politique économique à moyen terme. Ces programmes assignent des objectifs communs aux politiques nationales et constituent également le cadre dans lequel les politiques communautaires se développeront. Ils sont élaborés par le comité de politique économique, composé de représentants de la Commission et de chaque État membre. La programmation de politique économique à moyen terme a fait l’objet de six programmes depuis 1967. La C.E.E., ne possédant pas de compétence juridique propre en matière d’unification économique, dispose de peu de moyens pour faire appliquer ces programmes, qui ont une valeur incitatrice et peuvent s’appuyer sur les instruments financiers alimentés par le budget communautaire.

L’union économique et monétaire et le rôle de l’écu

Le plan Barre (12 févr. 1969), présenté par la Commission au Conseil, puis le plan Werner (oct. 1970) proposaient, à la demande des chefs d’État ou de gouvernement, «un plan par étapes en vue de la réalisation d’une union économique et monétaire». Le bouleversement du système monétaire international et le flottement des monnaies à partir de 1973 n’ont pas permis de réaliser l’intégralité des propositions de la Commission, qui se sont réduites à la mise en place du «serpent monétaire» à la suite de l’accord de Bâle du 10 avril 1972 réduisant à 2,25 p. 100 les marges de fluctuation entre les monnaies communautaires. À partir de mars 1973, les banques européennes cesseront leurs interventions systématiques pour maintenir la parité de leurs monnaies par rapport au dollar. Le «serpent» sortira du «tunnel» et les six monnaies européennes se mettent donc à flotter, de façon concertée, vis-à-vis de la monnaie américaine.

Le système monétaire européen, mis en place en mars 1979, reprendra ce flottement concret des monnaies européennes et se développera autour de l’écu. L’écu se définit comme un «panier de monnaies» dont la valeur est égale à la somme de quantités fixes de chaque monnaie communautaire calculées en référence à l’importance économique de chaque pays. En 1991, la pondération du mark au sein de l’écu était de 30,3 p. 100, celle du franc français de 19,3 p. 100, celle de la livre sterling de 12,6 p. 100, celle de la lire italienne de 9,8 p. 100, celle du florin de 9,4 p. 100, celle du franc belge de 7,7 p. 100, celle de la peseta de 5,1 p. 100, etc.

Une clause prévoit que la composition de l’écu sera réexaminée tous les cinq ans, ou sur demande si le poids de l’une des monnaies a varié de plus de 25 p. 100. L’écu est utilisé en tant que numéraire dans le mécanisme de taux de change, en tant que dénominateur pour les opérations d’intervention et pour le mécanisme de crédit, et en tant que moyen de règlement entre les autorités monétaires de la C.E.E. Chaque monnaie a un taux pivot rattaché à l’écu. Les taux pivots sont utilisés pour l’établissement d’une grille de taux de change bilatéraux. Des marges de fluctuation de 2,25 p. 100 sont fixées de part et d’autre (l’Italie a opté pour une marge de fluctuation de plus ou moins 6 p. 100). Les interventions sont obligatoires dans les huit monnaies qui participent pleinement au S.M.E. lorsque les seuils d’intervention de deux monnaies ou plus sont atteints. Les banques centrales peuvent choisir la monnaie dans laquelle elles veulent intervenir en vue de maintenir les fluctuations de leur monnaie à l’intérieur des marges.

Le traité de Maastricht poussait plus loin encore l’union économique et monétaire puisqu’il prévoyait un rapprochement des politiques économiques tel que soit envisageable dès le 1er janvier 1997 ou au plus tard le 1er janvier 1999 l’adoption de l’écu comme monnaie unique et la création d’une banque centrale européenne indépendante. Un Fonds de cohésion est créé pour permettre aux pays les plus défavorisés (Grèce, Irlande, Espagne, Portugal) de combler leurs retards et de satisfaire ainsi aux stricts critères de convergence économique retenus par le traité.

Les finances de la C.E.E.

Pour mener à bien son action et faire fonctionner les politiques communes, la Communauté européenne dispose de moyens financiers qui lui sont propres. L’instrument principal de ses interventions est le budget communautaire. À côté de ce budget, d’autres moyens financiers sont apparus: la Communauté a la possibilité d’emprunter sur le marché des capitaux des fonds qu’elle prête ensuite aux États; la Banque européenne d’investissements (B.E.I.) prête aux États à des conditions favorables. Le budget général des Communautés a atteint 65 milliards d’écus en 1992 (un écu équivaut à 7 francs). Les ressources reposaient au départ sur une contribution financière versée par chaque État membre, en proportion de la part de son P.I.B. dans le P.I.B. communautaire. Par la décision du 21 avril 1970, les États sont convenus de doter la Communauté de ressources propres et donc de donner un caractère supranational aux moyens dont elle disposait. Ce nouveau financement a été mis en place progressivement entre 1971 et 1979.

Les recettes communautaires proviennent de quatre sources:

– Les prélèvements agricoles, perçus dans le cadre de la politique agricole commune. Il s’agit de taxes frappant les importations dans la Communauté de produits agricoles soumis à organisation de marché.

– Les droits de douane du tarif extérieur commun perçus sur toute marchandise importée d’un pays tiers par un pays de la Communauté.

– Une part des recettes de la T.V.A. affectée automatiquement au budget communautaire. Elle est perçue par les États et versée à la C.E.E. Adoptée en 1970, cette disposition n’a été réalisée qu’en 1979, après l’harmonisation de l’assiette de la T.V.A. perçue dans chaque pays. D’après la décision de 1970 (intégrée au traité), ce versement est plafonné à 1 p. 100 des recettes de la T.V.A. perçue dans chaque pays. Le Conseil européen de Fontainebleau, le 25 juin 1984, a porté ce plafond à 1,4 p. 100 à partir du 1er janvier 1986.

– Une part calculée à partir du produit national brut des États membres. Cette dernière source de financement a été instaurée par le Conseil européen de Bruxelles du 11 février 1988.

Les dépenses de la politique agricole commune constituèrent jusqu’à plus des deux tiers des dépenses de la Communauté (61,3 p. 100 en 1992): il s’agit essentiellement des dépenses du Fonds européen d’orientation et de garanties agricoles (F.E.O.G.A.). La section garantie de ce Fonds intervient pour soutenir les prix des produits agricoles, notamment des produits laitiers et des céréales. Calculée à partir des volumes produits, cette aide conduisit à une surproduction chronique et fut complètement réformée dans son principe en 1992. Les dépenses de la section orientation du F.E.O.G.A. consacrées à l’amélioration des structures agricoles occupent une place modeste. Il en est de même pour les dépenses des autres politiques communes: politiques sociale et régionale, dont le Fonds social et le Fonds de développement régional (Feder) répartissent les crédits, politiques de l’énergie, de la recherche, etc. Le reste des dépenses se compose des crédits nécessaires au fonctionnement des institutions européennes (C.E.C.A., C.E.E., Euratom), et de remboursements: compensations financières accordées à la Grande-Bretagne depuis 1980 et remboursements à l’Espagne et au Portugal pendant la période de transition (1986-1993). Si le budget européen est destiné à financer les politiques communes, il n’est pas cependant la traduction exacte, en termes financiers, de l’action communautaire, car une partie des politiques (libre circulation, politique commerciale, politique fiscale et de la concurrence) n’exige pas de moyens budgétaires.

Néanmoins, le début des années 1980 fut marqué par des crises budgétaires successives, opposant le Conseil, dont certains États membres voulaient appliquer au budget communautaire des règles strictes de discipline budgétaire, au Parlement européen et à la Commission, qui considéraient le budget comme un instrument dynamique au service de l’intégration communautaire.

5. Les politiques sectorielles

Les politiques sectorielles de la C.E.E. se sont développées autour de l’union douanière et visent à donner aux agents économiques (entreprises, régions) les moyens de bénéficier des avantages de leur appartenance à un vaste espace unifié. Elles sont également appelées politiques «structurelles» ou «de solidarité», quand elle sont financées par le budget communautaire.

La politique régionale

Mise en place en 1975, à la suite du premier élargissement de la C.E.E., la politique régionale est surtout axée autour de l’action du Fonds de développement régional (Feder) qui a pour objet de contribuer au développement des régions défavorisées. Il intervient, d’une part, en participant au financement des mesures de politique régionale prises par les États (crédits «sous quotas»), d’autre part, en subventionnant des actions spécifiquement communautaires (crédits «hors quotas»). Depuis la réforme du Feder adoptée par le Conseil du 19 juin 1984, les actions «sous quotas» sont réparties entre les différents pays dans une proportion qui tient compte de leurs niveaux de développement régional respectifs.

Ainsi, l’Italie bénéficie de 32 à 42 p. 100 du total, la Grande-Bretagne de 21 à 28 p. 100, la Grèce de 12 à 15 p. 100, la France de 11 à 14 p. 100, etc. L’adhésion de l’Espagne et du Portugal a entraîné une augmentation des crédits régionaux, qui se montent à 7,5 milliards d’écus en crédits de paiements pour 1993, soit 6,67 p. 100 du total du budget.

Les fonds du Feder contribuent à des investissements d’infrastructure (routes, zones industrielles, équipements touristiques, infrastructures hydrauliques) ou a des investissements dans l’industrie, l’artisanat et les services pour permettre le maintien et la création d’emplois.

La participation du Fonds («sous quotas») va jusqu’à 20 p. 100 du coût des investissements, sans pouvoir aller au-delà de 50 p. 100 de l’aide nationale versée par l’État en cause. Les fonds hors quotas sont destinés à faciliter la mise en œuvre des politiques communautaires, et notamment à compenser les effets négatifs que peuvent produire certaines politiques communes (élargissements, sidérurgie, construction navale, textile). Afin de faire face aux difficultés spécifiques soulevées par l’intégration des trois pays méditerranéens – la Grèce, l’Espagne et le Portugal – dans le C.E.E., le Conseil a adopté le 23 juillet 1985 un règlement instituant les programmes intégrés méditerranéens (P.I.M.), dotés initialement d’une ligne budgétaire spécifique et additionnelle de 1,6 milliard d’écus.

La politique sociale

Les traités européens avaient conçu la politique sociale comme un ensemble de mesures devant faciliter la mobilité géographique et professionnelle des travailleurs à l’intérieur de la Communauté. L’apparition de nouveaux besoins dans le domaine social, notamment en matière de lutte contre le chômage, de formation des jeunes, d’aide aux plus défavorisés, a profondément transformé l’intervention communautaire, et le Fonds social a vu son rôle se diversifier et ses crédits s’accroître.

Entre 1961 et 1968, les instances communautaires ont adopté plusieurs règlements et directives pour faire appliquer les articles 48 et 49 du traité de Rome, aux termes desquels tout travailleur de la Communauté peut répondre à une offre d’emploi dans n’importe quel pays membre et quelle que soit sa nationalité; il peut, dans ce but, y séjourner et même s’y établir définitivement; il peut y faire venir sa famille. Il bénéficie des mêmes droits que les nationaux en ce qui concerne les conditions d’embauche et de travail.

En outre, dès 1958, la C.E.E. a institué un régime de sécurité sociale des travailleurs migrants.

Une évolution importante pour la politique sociale est intervenue au sommet de Paris d’octobre 1972, lorsque les chefs d’État ou de gouvernement ont déclaré que «l’expansion économique qui n’est pas une fin en soi doit, par priorité, permettre d’atténuer la disparité des conditions de vie». Ces nouvelles préoccupations sociales se sont concrétisées dans l’élaboration d’un «programme communautaire d’action sociale» adopté par le Conseil le 21 juin 1974. Celui-ci prévoit une quarantaine d’actions en vue d’atteindre trois objectifs fondamentaux:

– la réalisation du plein et du meilleur emploi;

– l’amélioration des conditions de vie et de travail;

– la participation plus active des partenaires sociaux aux décisions de politique économique et sociale, ainsi que la participation des travailleurs à la vie des entreprises.

Le Fonds social européen (F.S.E.), créé dès la mise en place du traité de Rome et réformé en 1971, sélectionne lui-même les projets auxquels il accordera son aide en définissant ses propres critères. Les personnes privées, et non pas seulement les organismes publics, sont admises à introduire des demandes de concours du Fonds.

Le Conseil, dans un règlement du 17 octobre 1983, a donné la priorité aux actions en
faveur de l’emploi des jeunes de moins de vingt-cinq ans et des chômeurs de longue durée. Les crédits du F.S.E. se sont montés à 5 milliards d’écus en 1993, soit 4 p. 100 du budget total de la C.E.E.

La politique énergétique

Avant l’apparition de la crise de l’énergie, les premières ébauches d’une politique communautaire de l’énergie avaient été élaborées dans un «mémorandum sur la politique énergétique» en 1962 et dans différentes communications de la Commission en 1968, 1972 et 1973. Mais c’est la crise d’octobre 1973 qui déclenche les premiers efforts pour mettre en œuvre une collaboration dans le domaine de l’énergie. Créé à la conférence au sommet de Copenhague en décembre 1973, le comité de l’énergie, composé de représentants des États membres et présidé par un membre de la Commission, a pour tâche d’assurer l’application coordonnée des mesures prises par la Communauté, de favoriser l’échange d’informations sur l’évolution de l’approvisionnement et d’aider la Commission à élaborer ses propositions.

En juin 1980, le Conseil a adopté des «objectifs pour 1990», objectifs chiffrés pour les dix années à venir et dont la Commission est chargée d’évaluer chaque année l’état de réalisation.

Pour 1990, la Communauté devait parvenir à:

– faire progresser la consommation d’énergie moins vite que le P.I.B. – le rapport entre les deux taux de progression devrait se situer en dessous de 0,7;

– mettre en place dans les États membres des programmes globaux d’économies d’énergie, insérés dans le cadre d’une stratégie communautaire (normes pour la construction et l’isolation des bâtiments, réduction de la consommation des véhicules automobiles, obligations en matière d’utilisation rationnelle de l’énergie pour les entreprises qui reçoivent des aides publiques...);

– réduire la consommation de pétrole à 40 p. 100 de la consommation brute d’énergie primaire (47 p. 100 en 1983);

– assurer de 70 à 75 p. 100 de la production d’électricité par le charbon et l’énergie nucléaire;

– encourager le recours aux sources d’énergie renouvelables (énergies hydraulique, géothermique, solaire, éolienne, marémotrice; biomasse, etc.) – 2 p. 100 des besoins communautaires en 1990;

– mener dans les États membres une politique réaliste des prix de l’énergie.

La politique de recherche et de technologie

Le début des années 1980 marque la prise de conscience par les États membres et les institutions de la C.E.E. du retard de l’Europe face à la révolution technologique dont les États-Unis et le Japon ont pris la tête.

Le taux de chômage élevé qui frappe l’Europe (près de 10 p. 100 de la population active en 1992) est essentiellement la conséquence de la mutation dans laquelle est engagé le système de production.

La Commission de la C.E.E. a mis en œuvre certains programmes spécifiques favorisant la coopération entre entreprises privées dans des domaines de recherches avancées: Esprit, adopté en février 1984 par le Conseil, doit permettre à l’Europe de rattraper son retard dans la microélectronique de pointe, la technologie du logiciel, le traitement avancé de l’information, les systèmes de bureautique, la production intégrée par ordinateur.

L’acte unique de Luxembourg, daté de février 1986, prévoit l’adoption par le Conseil de programmes cadres pluriannuels dans le domaine de la recherche et traduit la volonté, de la part de la C.E.E., de développer ses actions dans le domaine des nouvelles technologies.

6. Les relations extérieures de la C.E.E.

La mise en place d’une politique commerciale commune à partir de 1970, conséquence de l’achèvement de l’union douanière, a conduit la C.E.E. à conclure des accords de différentes natures (commerciaux, de coopération, d’association) avec la plupart des pays tiers. En 1992, plus de cent pays entretiennent des relations diplomatiques avec la C.E.E. en tant que telle. La Communauté a un statut d’observateur à l’O.N.U.; elle assiste aux sommets occidentaux aux côtés des États-Unis, du Japon et de certains États membres. Elle participe comme négociatrice à de nombreuses conférences internationales. Les relations traditionnelles avec les pays méditerranéens et l’Afrique se sont élargies à l’Asie et à l’Amérique latine. Depuis la libéralisation des pays de l’ancien bloc soviétique, des accords de libre-échange ont été conclus avec la Hongrie, la Pologne, l’ex-Tchécoslovaquie. Enfin, dans le cadre de la coopération politique, les États membres ont pris des positions communes en matière de politique étrangère. C’est dans le cadre du G.A.T.T. (accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) que la C.E.E. organise ses rapports commerciaux avec ses principaux partenaires industrialisés, comme les États-Unis et le Japon. Ce cadre souple n’exclut pas des discussions directes entre la C.E.E. et les États-Unis portant sur des sujets sensibles (l’agriculture, la sidérurgie).

Sans doute est-ce avec les pays en voie de développement que la Communauté européenne a tenté de nouer le type de relation le plus original, traduisant par là même l’étroitesse des liens qui unissent encore certains de ses membres à leurs anciennes colonies.

La coopération régionale organisée dans le cadre de la convention de Lomé, conclue en 1976, renouvelée en 1979 et en 1984, associe la C.E.E. à soixante-six pays africains, des Caraïbes et du Pacifique. Des institutions permettent l’établissement d’un cadre permanent: le Conseil des ministres, l’Assemblée paritaire, le Comité des ambassadeurs veillent à l’exécution de la convention. Celle-ci a mis en place une coopération commerciale permettant à la quasi-totalité des produits provenant des pays A.C.P. de bénéficier de la libre entrée dans la C.E.E., une aide financière, qui s’effectue à travers le Fonds européen de développement, et un mécanisme de stabilisation des recettes d’exportation pour les produits agricoles (Stabex) et les minerais (Sysmin).

La politique méditerranéenne de la C.E.E. a pris un nouvel élan après l’adhésion de l’Espagne et du Portugal, afin que les pays du sud de la Méditerranée (Maghreb, Machrek, Israël) puissent conserver les courants d’échanges qu’ils entretenaient avec la C.E.E. et qui étaient organisés dans le cadre des accords signés entre 1975 et 1977.

Enfin, en ouvrant le bénéfice des préférences généralisées (S.P.G.) à tous les pays membres de l’O.N.U. qui se sont désignés comme en voie de développement, la C.E.E. permet l’importation sur son territoire d’une grande partie des produits manufacturés des pays du Tiers Monde en leur faisant bénéficier d’une réduction partielle ou totale de droits de douane. Cette ouverture commerciale ainsi que l’ampleur de l’aide alimentaire et de l’aide d’urgence qui fait de la C.E.E. le deuxième donateur mondial permettent à l’Europe communautaire de jouer, dans le cadre du dialogue Nord-Sud, un rôle à sa mesure.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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